EN 2015


Saint-Mauront 
une histoire de mouvements

Moine, puis abbé de Saint-Victor et évêque de Marseille, Saint-Mauront est mort en 782 après avoir longtemps défendu auprès de Charlemagne les privilèges de l’abbaye et de la ville. Le sarcophage de Julia Quintina qui se trouve dans la crypte de l’abbaye fortifiée de Saint-Victor, a été utilisé pour recevoir sa dépouille et sert de retable à l’autel de la chapelle qui lui est consacrée. Une autre chapelle Saint-Mauront aurait plus tard été érigée au nord de Marseille dans la campagne qui porte aujourd’hui son nom. On retrouve aussi l’évocation d’un petit Chemin de Croix qui lui aurait été dédié sur la butte qui sépare la paroisse de celle de la Belle de Mai… Pendant des siècles, les paysages de collines de ce territoire sont restés immuables : des pauvres masures dispersées au milieu de maigres pâtures et des vignes. Chacune avait sa basse-cour, trois ou quatre chèvres et des moutons, parfois une ou deux vaches qui vaquaient en toute liberté sur les sentiers. On apercevait aussi quelques rares et magnifiques bastides qui appartenaient à des propriétaires fortunés. Seules les parcelles des Augustins réformés et de l’évêque avaient fière allure, étant entretenues d’une main de fer par les intendants et une multitude de journaliers. 


Toutes les productions de ces terres revenaient d’une manière ou d’une autre à l’Eglise ou à la noblesse et, après la révolution, aux bourgeois les plus fortunés et aux grands commis de l’Etat. 1789 est venu bouleverser cette belle stabilité. Les lois sur la propriété privée ont entrainé la mise en clôture des sols, empêchant les animaux de divaguer à leur guise. Des milliers de journaliers ont vendu leurs bêtes et abandonné le travail de la terre qui ne suffisait plus à les nourrir. L’exode vers les faubourgs a été massif, mais il n’y avait pas assez de travail et les agglomérations étaient incapables de tous les accueillir. Les guerres napoléoniennes ont résorbé une partie de ce surplus de main d’œuvre, le reste a survécu comme il pouvait dans la misère. Les campagnes à proximité de Marseille étaient relativement protégées parce que ses bourgeois venaient y rechercher la tranquillité et goûter aux plaisirs de leurs bastides. Il faut attendre les années 1830 - 1848 pour qu’ils s’aperçoivent enfin que les choses étaient en train de changer. Les progrès techniques et la découverte de nouvelles formes d’énergie transforment en profondeur l’ensemble du système économique et offrent de belles perspectives de profits pour les entrepreneurs. 

Le boulevard d’Orléans (aujourd’hui National) est tracé entre 1830 et 1847 sous la monarchie de juillet pour faciliter les communications. Le développement industriel et commercial est spectaculaire. En l’espace d’une génération, on passe de l’artisanat à la fabrique puis à l’usine. En raison de leur voisinage avec le centre ville, les quartiers de Saint Mauront et de la Belle de Mai, traits d’union entre la gare et le port, attirent les entreprises et de nouvelles populations. D’abord des journaliers agricoles, des éleveurs de moutons des jardiniers et des artisans traditionnels puis, à partir de 1860, des immigrants originaires d’Italie, du Piedmont ou de la Toscane. Saint-Mauront devient un îlot villageois important. 

Marseille est une ville ouvrière et ses habitants participent à toutes les conquêtes sociales jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale. Après la libération vient le temps de la reconstruction et des sacrifices. En 1962, il faut accueillir les rapatriés d’Algérie. Le Parc Bellevue fait partie de ces grands ensembles immobiliers bâtis à la hâte et qui se dégradent assez rapidement. L’autoroute en surplomb et la passerelle achèvent de défigurer le village qui n’est plus qu’un quartier de passage et de première installation pour les flux migratoires, ceux du Maghreb, puis des Comores et aujourd’hui du Cap-Vert. L’habitat est très délabré, voire insalubre. 

La proximité des programmes d’Euro méditerranée favorise cependant la réhabilitation de nombreux équipements et la construction de logements neufs à usage locatif ou en accès à la propriété. 
Un grand boulevard devrait bientôt remplacer cette partie d’autoroute et remodeler les circulations. Il faudra sans doute encore un peu de temps, mais Saint-Mauront va revivre.

L'histoire de Saint- Mauront par Dominique Cier.


La Coordination Patrimoines et Créations des 2-3e sous l'autopont de St Mauront.


Situé entre Euroméditerranée, le port et la friche industrielle, dans cette partie de la ville subsistent les constructions symboles de l’activité ouvrière et du travail portuaire. Marseille Aménagement poursuit le projet de résorption de l’habitat indigne dans ce quartier où les équipements publics et les espaces verts font cruellement défaut, où le renouvellement urbain ambitionne de le transformer en véritable quartier de centre-ville, avec la construction de plus de 900 logements (dont 300 logements sociaux), la réhabilitation de 260 autres logements sociaux, le re-calibrage de rues existantes, la création de nouvelles artères, l’aménagement d’espaces publics et l’extension des équipements publics de proximité, centre social, plateau sportif, crèche, espace - lecture etc.

"Sous l'autoroute la danse" Isabelle Cavoit et Bernard Menaut pour la Coordination Patrimoines et Créations 2-3e.


Saint-Mauront est quoi qu'il arrive aujourd'hui séparé en deux par le pont de l’autoroute qui contribue à son enclavement et qui influence certainement radicalement les formes et les usages de ce quartier. 

Les différentes opérations, requalification, réhabilitation, OPAH, PRI pose la question du traitement de la diversité culturelle : se réalise t-elle au détriment de la diversité sociale et culturelle et dans quelle mesure prend t-elle en compte les usages et les relations existantes, finalement que propose t-elle ? 

Ce ballet urbain ainsi que la mixité sociale souhaitée nous semble propice au développement  d’une action culturelle autour de la notion de logement, celui des habitants de ce quartier, celui de la Danse et par extension celui du corps des danseurs. Le corps n’est pas le seul médium de la danse, il est aussi mental, spirituel, il a une mémoire. Le geste se loge aussi dans la tête du danseur. 

Comme chaque année, le partenaire de Quartiers Libres est une structure culturelle d'envergure, cette année il s'agit de KLAP, maison pour la danse... Nous avons décidé d'aborder ce quartier sous l'angle du mouvement, au sens large du terme... 

Posons le cadre que nous exploitons avec ce RÉCIT SUR LES MOUVEMENTS de Dominique Cier... 

Voila presque vingt ans que je n’étais pas retourné à Saint-Mauront. Je n’ai rien reconnu, ni les rues, ni les commerces, ni les gens. Le quartier n’est plus qu’un vaste chantier, les immeubles en construction côtoient des squats et des pavillons délabrés, les rideaux des magasins semblent définitivement baissés, les trottoirs et les chaussées sont défoncés, les enfants ne jouent pas dans les rues ni dans les impasses, il n’y a plus rien qui puisse retenir mon regard. J’ai d’abord une terrible envie de fuir et je me demande bien pourquoi nous avons décidé de travailler sur ce territoire. Il existe des secteurs beaucoup plus attrayants et qui ont d’emblée des tas de choses à nous dire. En même temps, ce serait trop facile de renoncer dès qu’on est tenu à distance ou parce qu’on ne ressent pas le moindre plaisir. Prenons au moins cette expérience comme un défi. Qu’est-ce que je suis en mesure d’observer ? 

Qu’on a ripoliné le Parc Bellevue, mais que la paupérisation s’est poursuivie, que les gens sont pressés d’arriver ou de s’en aller, que c’est un espace qu’on traverse sans jamais s’arrêter, un simple lieu de passage, de transit, d’immigration, d’exil, de solitude, de pauvreté, d’exclusion. C’est ce que semblent exprimer tous ces gens. Un moment, je devine leur colère, j’espère un acte de révolte. Et soudain, je pense à ces quelques mois passés dans un squat de la Cabucelle avec des clandestins. Ils étaient joyeux, ils avaient le sens de la fête et de la solidarité. Déprimés, les travailleurs sociaux  ne pouvaient pas grand-chose pour eux, mais ils repartaient tous le ventre plein. J’étais venu pour les aider et je me suis aperçu qu’ils m’avaient réconforté. 

J’avais des idées toutes faites sur leur histoire et sur celle du quartier et je suis sans doute en train de reproduire la même erreur à Saint-Mauront. Il faut être capable d’oublier provisoirement ses préjugés. C’est peut être ce qu’ils ont connu de meilleur jusqu’à maintenant. Ils ont donc un regard neuf. Ils sont en transition. Ils se déplacent, mais ils ont une certaine manière de se mouvoir, des trajectoires, des comportements singuliers, des gestes et des habitudes étranges… Ce qui caractérise leur façon d’être, c’est ce mouvement presque perpétuel, cette agitation, ce rythme, c’est la vie qui grouille. Il y aurait bien des façons d’interroger leur mouvement. Il y a d’abord le regard de l’anatomiste. On peut aussi concevoir le mouvement comme expression sociale : les codes corporels sont révélateurs d’appartenance sociale et l’expression de toutes les passions de l’âme. On peut encore observer les corps au travail et faire en sorte que ses représentations deviennent des motifs artistiques ou saisir leur mouvement comme instabilité et renouvellement esthétique. On peut enfin y participer d’une manière ou d’une autre sans même savoir ni imaginer où il nous entraîne et tenter de conserver un regard poétique sur cette rencontre…

Dire que leur mouvement est l’expression même de la vie a une résonance particulière à Saint-Mauront qui est, socialement et culturellement, comme un passage à gué. Le mouvement est la clé qui ouvre à tous les apprentissages. Nous savons en effet que les enfants apprennent en bougeant, en jouant et en interagissant avec les autres et avec les matières concrètes et réelles de leur environnement. Lorsqu’ils ne sont pas autorisés à bouger, leur curiosité, leur intérêt et leur désir d’apprendre leur deviennent moins accessibles. Si ce processus est plus lent, il en est de même pour les adultes qui doivent aussi apprivoiser leur espace.

A force, le mouvement ne se confond pas avec la trajectoire ni avec la distance parcourue. La distance est infiniment divisible et mesurable, alors que le mouvement ne se divise pas sans changer de nature. On ne peut pas le reconstituer avec des positions géographiques ou des instants dans le temps. On a beau rapprocher deux positions ou deux instants, le mouvement se fera toujours dans l’intervalle, entre les deux. Chaque mouvement a donc sa propre durée qualitative que nous reconstituons par l’illusion d’une succession d’images. En réalité, il est passage réglé d’une forme à une autre, c’est-à-dire un ordre des poses et des instants privilégiés comme dans une danse. Car si notre regard se fait persistant, ce qu’il observe change aussi de nature, il englobe une autre matérialité, des présences au monde, des singularités. Cet ensemble de mouvements a une certaine logique que je discerne ou que j’imagine. J’ai devant moi le spectacle d’une chorégraphie. Le geste de nettoyer une vitre ne dit qu’une fonction, mais s’il est dansé il raconte le monde. Le corps expressif l’est bien davantage quand il danse. La différence entre le mouvement naturel spontané et le mouvement dansé est de nature plus que de degré dans l’expressivité. 

Les mouvements utilitaires n’expriment que des significations relativement pauvres, alors que les danseurs saturent leur corps de sens multiples et nous offrent une histoire. Mais c’est mon regard ici qui l’invente. Ma conscience peut voyager à l’intérieur des corps. C’est dans le but de construire une carte de cet espace interne, non pas comme un miroir qui reflète un paysage, mais comme une topographie de trajets et d’énergies qui illustrent la société. Cette conscience du corps dans le contact à l’autre implique que l’autre vive la même expérience. Ce contact n’est pas que physique. Le mouvement n’est qu’une surface couvrant des temps entiers d’existence et de pratiques, et c’est tout cela qui compose les contenus inconscients qui se transmettent dans l’osmose des corps. La fusion est double, d’abord entre la conscience et le corps, puis entre plusieurs corps. Elle n’implique pas la perte de nos propres singularités puisque chaque corps ne reçoit et n’émet de l’énergie que selon ce qui lui convient le mieux de l’autre corps. Il y a des corps qui s’accordent mieux que d’autres.

Quand j’observe ces personnes qui me sont étrangères, je peux dire que leurs gestes se prolongent au-delà de leur peau. Mais si c’est mon regard qui fait ce travail, comment parler d’images concrètes ou de chorégraphie qui ne sont pour personne et ne s’adressent à personne ? Au commencement, je n’ai que des mouvements appelés images pour les distinguer de tout ce qu’ils ne sont pas encore dans mon imagination. L’ensemble des mouvements, des mots, des actions et des réactions est lumière qui se diffuse, qui se propage sans résistance et sans déperdition. C’est que la matière est lumière. Si elle ne nous apparait pas, c’est parce que la lumière n’est pas encore réfléchie ni arrêtée, donc pas révélée. Mais l’œil est dans les choses, dans les images lumineuses en elles-mêmes. Comme le dit Bergson, « la photographie, si photographie il y a, est déjà prise, déjà tirée, dans l’intérieur même des choses et pour tous les points de l’espace… »


Entre Quartiers Libres 2015 et la restitution-exposition de Quartiers Libres 2014 au Centre de Conservation et de Ressources du MuCEM, Dominique Cier et Driss Aroussi ont initié une action avec un groupe de jeunes mamans, leurs enfants, le concours de Dominique Leca et d'Anna Pauchet de la Maison Pour Tous Panier-Joliette. Il en résulte des discussions, des anecdotes, des souvenirs, évidemment des ressentis divers mais aussi une sélection d'objets et des livres qui serviront de base à l'écriture collaborative d'un conte dont le sujet porte sur le quartier Saint-Mauront à (re)découvrir avec pour titre : "La petite fille au sourire écarlate" et que vous lirez ci-dessous...

A la suite de ces premiers ateliers Dominique Cier a imaginé les premières lignes d'une nouvelle histoire de Saint-Mauront. Ce sont les premiers mots de cette écriture envisagée à plusieurs mains, des petites et des grandes, que vous trouverez ci-dessous au fil de nos ateliers...

" LA PETITE FILLE AU SOURIRE ÉCARLATE "

En recevant la lettre de l’huissier, Simon avait senti son cœur éclater. A cette heure du jour, il n’y avait jamais personne dans sa librairie. Il se renfonça dans son fauteuil, mais fut incapable de lire. Le moment tant redouté était arrivé. Il était expulsé. Tous les autres commerçants et les locataires avaient sans doute reçu le même courrier, mais ils allaient rebondir. Leur vie continuerait d’une manière ou d’une autre. Mais pas la sienne. Cette lettre allait mettre fin à son existence. Il resta prostré toute la journée jusqu’à la nuit. Il entendait monter les voix derrière sa porte, comme si rien n’avait changé. Les anciens avaient l’habitude de s’asseoir devant les seuils, les vieilles d’y faire leurs courses en trainant la jambe et, après l’école, les enfants jouaient sur les trottoirs et, ce jour-là, tout était pourtant comme d’habitude. Lorsque l’ombre des immeubles s’allongeait à mesure que le soir tombait, envahissant peu à peu le boulevard National où l’on commençait d’allumer les lampadaires, tout le monde regagnait son gîte. Les habitants se découpaient en noir sur le fond lugubre du ciel, puis les rues se vidaient jusqu’à l’aube. 

Arrivant à 7 heures, hiver comme été, chaque jour et chaque année pendant presque un demi siècle, Simon enlevait sa veste ou sa jaquette et enfilait un long tablier gris informe qui lui descendait jusqu’aux talons. Son éternel plumeau sous le bras, il scrutait avec une sagacité myope les profondeurs de ses bibliothèques. Ses yeux, derrière les verres brillants des lunettes, avaient en miniature les rondeurs de sa tête. Ils étaient toujours sur le qui-vive Comme pour rattraper le temps perdu de ses moments de somnolence. Il marchait, la tête secouée d’un mouvement mécanique et s’avançait vers la première étagère, examinait chaque ouvrage de haut en bas, hochait la tête d’un air connaisseur avant de brandir son arme : le plumeau. Évidemment, il lisait énormément. Toutes les œuvres ne l’avaient pas intéressé, mais il se sentait malgré lui attaché à certaines par un lien secret. Aucun grain de poussière ne souillait jamais « Bon appétit, monsieur lapin ! » dont il avait plusieurs exemplaires et il avait des soins particuliers pour « L’élégance du hérisson », l’une de ses dernières acquisitions qui racontait la vie quotidienne d’une concierge lettrée. Mais les autres ouvrages n’en étaient pas pour autant négligés et la poussière n’avait sur eux aucune emprise.



Simon était célibataire. La première fois qu’on le voyait, on le sentait un peu distant et même peu accommodant avec ses clients, comme s’il était contrarié à l’idée de céder un seul de ses livres. Il avait donc mené une vie idéale, seul jour et nuit dans sa librairie comme il devrait désormais le faire dans son appartement. A quoi rêvait-il jour après jour ? On a peine à croire que par ses lectures prodigieuses il cherchait le moins du monde à rompre son isolement. Il paraissait au contraire aimer la solitude pour elle-même et il avait une peur constante des intrus comme des clients.
Les habitants de la cité Bellevue se désintéressaient complètement de ceux des rues avoisinantes et réciproquement. Ils semblaient engloutis par les ombres des immenses façades et ressemblaient à ces peuples oubliés et qui se rappellent à vous lorsque de pénibles faits-divers les ramènent à la lumière. De toute façon, Simon ne connaissait personne. Il partait tôt le matin et rentrait tard le soir dans son appartement. Il avait vécu toutes ces années comme un automate et il en serait probablement toujours ainsi…

La librairie allait être détruite pour laisser la place à un immeuble de bureaux. Il lui était impossible d’imaginer qu’il puisse simplement détruire ou abandonner son fonds littéraire. Aussi, pendant plusieurs mois avant cette date fatidique, Simon avait entassé les collections dans l’appartement qu’il occupait au-dessus du commissariat de la cité Félix Pyat et ses trois pièces avaient rapidement été encombrées. Il utilisait une vieille luge pour tirer ses tombereaux de livres et il essayait d’être le plus discret possible. 


Personne ne songerait à voler son trésor, mais l’administration judiciaire pourrait considérer comme suspect un citoyen qui possédait autant de livres. N’était-ce pas le signe d’une personnalité perturbée ? Il avait aménagé des galeries étroites pour passer de l’une à l’autre et il était encore capable de retrouver une œuvre même confidentielle dans la grande histoire de la littérature. A force d’entasser, les galeries devinrent des souterrains et l’accès à la salle  de bains ou aux toilettes se transforma en expédition. Finalement, Simon dormait dans un hamac qu’il avait suspendu à l’extrémité de la cuisine. Il somnolait, mais il n’avait pas une seule fois laissé échapper le plumeau avec lequel il époussetait régulièrement ses livres.

Cela se produisit le jour de la cent trente septième expédition de Simon jusqu’à son domicile. Il arrivait à la lisière de la cité, attendant le meilleur moment pour s’élancer sans être vu en terrain découvert, lorsqu’il aperçut soudain deux frêles silhouettes qui se dirigeaient vers lui. Celles d’une jeune femme accompagnée d’une toute petite fille. Il aurait voulu changer de direction et s’éloigner d’un pas rapide, aussi léger que celui d’un oiseau, mais la minuscule silhouette en robe écarlate se détachait dans un paysage sombre comme un rubis dans un écrin.
A l’horizon s’élevaient les sinistres immeubles de la cité Bellevue qu’un pouvoir magique semblait avoir soulevés de terre. Même aux plus beaux jours de l’été, lorsque le reste du ciel était pur, leurs toits demeuraient cachés dans les nuages. A cet instant pourtant, aucun nuage ne voilait le ciel au-dessus des toits.
- Où sont les nuages ? ne put s’empêcher de demander Simon.
- Quels nuages ? s’étonna la jeune femme qui tenait la petite fille par la main.
Simon n’avait pas découvert sans tristesse que les adultes n’en savent pas nécessairement plus long que les enfants et il se tourna vers la petite fille.

Fuchsia – car c’était son nom – lui tendit une petite pelle bleue comme un cadeau. Elle considéra Simon avec un sourire si éblouissant qu’il en fut stupéfait. Un tel bouleversement était-il possible ? 


Brusquement, son théâtre d’ombres était mort et il lui devint impossible d’y retourner. Il ne ressentait plus aucune nostalgie de ce qu’il avait vécu et il tournait le dos aux rayons de poussière qui dansaient sur les choses d’autrefois sans éprouver ce sentiment d’irrémédiable désolation. Avec ce sourire extraordinaire, sa vie était devenue lumineuse. Il regarda autour de lui d’un air ébahi. Les passants avaient perdu leurs mines accablées et affichaient une légère et bienheureuse insouciance. Faisant craquer les jointures de ses longues jambes d’araignée, il tira sa luge et se fraya un passage à travers les grappes de passants. La rue bruissait de vie. Des silhouettes formaient des ilots mouvants. Il y avait des gens qui parlaient dans une langue incompréhensible, d’autres qui chantaient, d’autres qui n’avaient plus de voix et qui étaient plaqués contre les murs, les mains pendantes en battant stupidement la mesure. Il ne se souvenait pas d’avoir une seule fois contemplé ainsi le bonheur des autres. Simon s’imaginait que c’était du bonheur, mais ce n’était qu’un brouhaha de clameurs et de piétinements de la foule qui descendait ou remontait de la bouche du métro National. Il avait l’impression d’observer ces gens pour la première fois. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils faisaient, ni pourquoi ils le faisaient, mais cela n’avait aucune importance. Par la grâce du sourire d’une petite fille, les couleurs de la vie avaient changé.
- Pourquoi trainez-vous cette luge ? 
Claironna la jeune femme qui s’appelait Nasma. Elle portait une robe évasée et elle avait des petites chaussures rouges et noires. Des chaussures de danse, peut-être prenait-elle des cours ?


La conversation n’avait jamais été le fort de Simon et, pendant ce qui parut une éternité à Nasma et Fuchsia, il regarda devant lui d’un air morne, puis leva une main osseuse et se gratta l’oreille avant de risquer une remarque :
- Je vais vous dire quelque chose. Vous ne comprenez pas ce qui se passe à Saint-Mauront ? Les choses qui arrivent ? La boulangerie, l’épicerie, la boucherie ont disparu…
- Ca fait déjà quelques années, répondit Nasma en le considérant d’un air perplexe.
- Ca se passe sous nos pieds et on ne s’aperçoit de rien ?
- Il suffit d’ouvrir les yeux. Tout bouge. Tout change.
- Je n’ai rien vu.
En réalité, pendant toutes ces années, il avait été complètement coupé du monde et de ce qui s’y passait.

 
- Pourquoi tirez-vous cette luge ? Répéta Nasma.
- La librairie est fermée. Je les emporte chez moi.
- Vous les avez tous lus ? Alors, à quoi vont-ils vous servir ? Vous devriez les donner.
- Tenez, je vous offre celui-ci ! s’écria Simon en lui tendant un livre d’un geste brusque. Bon appétit, monsieur lapin ! C’est l’histoire d’un pêcheur et d’un poisson d’or. 

Il nous explique qu’il ne faut pas trop demander ! 
Vivre avec ce qu’on a et réaliser ce qu’on peut…
- Mais quand on donne, il faut le faire de bon cœur…

Simon se détourna. Il y avait là de quoi lui occuper l’esprit pour les jours à venir. Ce qui le préoccupait, c’était la question de savoir pourquoi Nasma avait pris la peine de le remarquer et de s’arrêter devant lui et pourquoi il avait lui-même fait l’effort de bavarder avec une personne qui lui était inconnue. Etait-ce le sourire éclatant de la petite fille ? La question lui tournait sans fin à quelqu’un d’autre dans la tête. Pourquoi elles ? 

Il était tellement bouleversé par le spectacle de ses étagères dépeuplées qu’il avait éprouvé le besoin irrésistible de communiquer son désarroi à quelqu’un d’autre et c’était tombé sur Nasma et Fuchsia. Etant d’une nature exceptionnellement taciturne, il lui avait été difficile d’échanger ces quelques phrases et il avait été le premier surpris, non seulement d’avoir réussi à décharger son cœur, mais de l’avoir fait avec tant de célérité.


Au retour, lorsqu’il s’engagea dans la rue Félix Pyat avec sa luge pour rejoindre le boulevard National, il prit conscience que son humeur avait complètement changée. Encore imprégné de solitude, il avait l’impression que son esprit s’était élargi et laissait déferler un flot d’images et de sentiments étranges, comme dans un déversoir. C’était tout ce qu’il avait emmagasiné pendant sa triste existence qui lui revenait.

A SUIVRE...
En arrivant chez lui, Simon était dans un état second. Il repensait au sourire écarlate de Fuchsia. Ce sourire qui ne le quittait plus, balayait, telle une vague d’espoir gigantesque,  l’éternelle lassitude qui l’avait accompagné ces dernières années. La multitude d’images maussades qui résumait son existence était en train de se consumer définitivement. Cette douce violence esquisse le rendait heureux. Il n’avait jamais ressenti un tel bien-être.
En rangeant ses livres, le regard de Simon se posa sur une vieille figurine de son enfance. C’était un petit personnage recouvert d’un grand chapeau avec lequel il avait joué pendant des années. Il avait toujours été là, sur cette étagère, mais jamais il ne l’avait vraiment vu. Un éclair illumina son esprit. Il prit conscience de cette temporalité irrémédiable. Le temps de son existence s’était accéléré d’un coup. Tout lui paraissait évident. 

Il lui fallait rendre à l’humanité toute la grâce qui venait de le frapper de plein fouet. Et la vue de ce petit jouet le poussait à agir très vite. Il était déjà vieux. Sa jeunesse était loin derrière. Aurait-il le temps d’offrir à tous ces êtres, une offrande aussi divine que celle qu’il venait de recevoir ?
Quoiqu’il en soit, la fermeture définitive de sa bibliothèque devenait une chance irrémédiable. Il n’allait pas garder tous les livres chez lui, pour lui. Ou plutôt si, il allait garder tous les livres chez lui, mais pour les autres. Sa demeure deviendrait la maison des livres, la maison des autres, la maison de tous ceux qui voudraient s’arrêter pour profiter de ces milliers de mots assemblés les uns aux autres.
Il entreprit donc de tout ranger, de tout classer, de tout nettoyer. Il mit des fleurs, il mit des couleurs. Le petit bonhomme avait trouvé une place centrale au milieu des livres. Il se dépêchait, pour que dès demain, sa propre bibliothèque puisse ouvrir ses portes. Il alla dans la rue, survolté, exalté, émerveillé et proposa à tous les passants de venir librement chez lui pour lire, discuter, échanger, boire le thé, et rêver. 

A SUIVRE... 

En recevant la lettre de l’huissier, Simon avait senti son cœur éclater. A cette heure du jour, il n’y avait jamais personne dans sa librairie. Il se renfonça dans son fauteuil, mais fut incapable de lire. Le moment tant redouté était arrivé. Il était expulsé. Tous les autres commerçants et les locataires avaient sans doute reçu le même courrier, mais ils allaient rebondir. Leur vie continuerait d’une manière ou d’une autre. Mais pas la sienne. Cette lettre allait mettre fin à son existence. Il resta prostré toute la journée jusqu’à la nuit. Il entendait monter les voix derrière sa porte, comme si rien n’avait changé. Les anciens avaient l’habitude de s’asseoir devant les seuils, les vieilles d’y faire leurs courses en trainant la jambe et, après l’école, les enfants jouaient sur les trottoirs et, ce jour-là, tout était pourtant comme d’habitude. Lorsque l’ombre des immeubles s’allongeait à mesure que le soir tombait, envahissant peu à peu le boulevard National où l’on commençait d’allumer les lampadaires, tout le monde regagnait son gîte. 

Les habitants se découpaient en noir sur le fond lugubre du ciel, puis les rues se vidaient jusqu’à l’aube. Arrivant à 7 heures, hiver comme été, chaque jour et chaque année pendant presque un demi siècle, Simon enlevait sa veste ou sa jaquette et enfilait un long tablier gris informe qui lui descendait jusqu’aux talons. Son éternel plumeau sous le bras, il scrutait avec une sagacité myope les profondeurs de ses bibliothèques. Ses yeux, derrière les verres brillants des lunettes, avaient en miniature les rondeurs de sa tête. Ils étaient toujours sur le qui-vive comme pour rattraper le temps perdu de ses moments de somnolence. Il marchait, la tête secouée d’un mouvement mécanique et s’avançait vers la première étagère, examinait chaque ouvrage de haut en bas, hochait la tête d’un air connaisseur avant de brandir son arme : le plumeau. Evidemment, il lisait énormément. Toutes les œuvres ne l’avaient pas intéressé, mais il se sentait malgré lui attaché à certaines par un lien secret. Aucun grain de poussière ne souillait jamais « Bon appétit, monsieur lapin ! » dont il avait plusieurs exemplaires et il avait des soins particuliers pour « L’élégance du hérisson », l’une de ses dernières acquisitions qui racontait la vie quotidienne d’une concierge lettrée. Mais les autres ouvrages n’en étaient pas pour autant négligés et la poussière n’avait sur eux aucune emprise. Simon était célibataire. La première fois qu’on le voyait, on le sentait un peu distant et même peu accommodant avec ses clients, comme s’il était contrarié à l’idée de céder un seul de ses livres. Il avait donc mené une vie idéale, seul jour et nuit dans sa librairie comme il devrait désormais le faire dans son appartement. 


A quoi rêvait-il jour après jour ? 
On a peine à croire que par ses lectures prodigieuses il cherchait le moins du monde à rompre son isolement. Il paraissait au contraire aimer la solitude pour elle-même et il avait une peur constante des intrus comme des clients. Les habitants de la cité Bellevue se désintéressaient complètement de ceux des rues avoisinantes et réciproquement. Ils semblaient engloutis par les ombres des immenses façades et ressemblaient à ces peuples oubliés et qui se rappellent à vous lorsque de pénibles faits-divers les ramènent à la lumière. De toute façon, Simon ne connaissait personne. Il partait tôt le matin et rentrait tard le soir dans son appartement. Il avait vécu toutes ces années comme un automate et il en serait probablement toujours ainsi… La librairie allait être détruite pour laisser la place à un immeuble de bureaux. Il lui était impossible d’imaginer qu’il puisse simplement détruire ou abandonner son fonds littéraire. Aussi, pendant plusieurs mois avant cette date fatidique, Simon avait entassé les collections dans l’appartement qu’il occupait au-dessus du commissariat de la cité Félix Pyat et ses trois pièces avaient rapidement été encombrées. Il utilisait une vieille luge pour tirer ses tombereaux de livres et il essayait d’être le plus discret possible. Personne ne songerait à voler son trésor, mais l’administration judiciaire pourrait considérer comme suspect un citoyen qui possédait autant de livres. N’était-ce pas le signe d’une personnalité perturbée ? Il avait aménagé des galeries étroites pour passer de l’une à l’autre et il était encore capable de retrouver une œuvre même confidentielle dans la grande histoire de la littérature. A force d’entasser, les galeries devinrent des souterrains et l’accès à la salle  de bains ou aux toilettes se transforma en expédition. Finalement, Simon dormait dans un hamac qu’il avait suspendu à l’extrémité de la cuisine. Il somnolait, mais il n’avait pas une seule fois laissé échapper le plumeau avec lequel il époussetait régulièrement ses livres.

Cela se produisit le jour de la cent trente septième expédition de Simon jusqu’à son domicile. Il arrivait à la lisière de la cité, attendant le meilleur moment pour s’élancer sans être vu en terrain découvert, lorsqu’il aperçut soudain deux frêles silhouettes qui se dirigeaient vers lui. Celles d’une jeune femme accompagnée d’une toute petite fille. Il aurait voulu changer de direction et s’éloigner d’un pas rapide, aussi léger que celui d’un oiseau, mais la minuscule silhouette en robe écarlate se détachait dans un paysage sombre comme un rubis dans un écrin.
A l’horizon s’élevaient les sinistres immeubles de la cité Bellevue qu’un pouvoir magique semblait avoir soulevés de terre. Même aux plus beaux jours de l’été, lorsque le reste du ciel était pur, leurs toits demeuraient cachés dans les nuages. A cet instant pourtant, aucun nuage ne voilait le ciel au-dessus des toits.
- Où sont les nuages ? ne put s’empêcher de demander Simon.
- Quels nuages ? s’étonna la jeune femme qui tenait la petite fille par la main.

Simon n’avait pas découvert sans tristesse que les adultes n’en savent pas nécessairement plus long que les enfants et il se tourna vers la petite fille.
Fuchsia – car c’était son nom – lui tendit une petite pelle bleue comme un cadeau. Elle considéra Simon avec un sourire si éblouissant qu’il en fut stupéfait. Un tel bouleversement était-il possible ? Brusquement, son théâtre d’ombres était mort et il lui devint impossible d’y retourner. Il ne ressentait plus aucune nostalgie de ce qu’il avait vécu et il tournait le dos aux rayons de poussière qui dansaient sur les choses d’autrefois sans éprouver ce sentiment d’irrémédiable désolation. Avec ce sourire extraordinaire, sa vie était devenue lumineuse. Il regarda autour de lui d’un air ébahi. Les passants avaient perdu leurs mines accablées et affichaient une légère et bienheureuse insouciance. Faisant craquer les jointures de ses longues jambes d’araignée, il tira sa luge et se fraya un passage à travers les grappes de passants. La rue bruissait de vie. Des silhouettes formaient des ilots mouvants. Il y avait des gens qui parlaient dans une langue incompréhensible, d’autres qui chantaient, d’autres qui n’avaient plus de voix et qui étaient plaqués contre les murs, les mains pendantes en battant stupidement la mesure. Il ne se souvenait pas d’avoir une seule fois contemplé ainsi le bonheur des autres. Simon s’imaginait que c’était du bonheur, mais ce n’était qu’un brouhaha de clameurs et de piétinements de la foule qui descendait ou remontait de la bouche du métro National. Il avait l’impression d’observer ces gens pour la première fois. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils faisaient, ni pourquoi ils le faisaient, mais cela n’avait aucune importance. Par la grâce du sourire d’une petite fille, les couleurs de la vie avaient changé.
- Pourquoi trainez-vous cette luge ? claironna la jeune femme qui s’appelait Nasma. Elle portait une robe évasée et elle avait des petites chaussures rouges et noires. Des chaussures de danse, peut-être prenait-elle des cours ?
La conversation n’avait jamais été le fort de Simon et, pendant ce qui parut une éternité à Nasma et Fuchsia, il regarda devant lui d’un air morne, puis leva une main osseuse et se gratta l’oreille avant de risquer une remarque :
- Je vais vous dire quelque chose. Vous ne comprenez pas ce qui se passe à Saint-Mauront ? Les choses qui arrivent ? La boulangerie, l’épicerie, la boucherie ont disparu…
- Ca fait déjà quelques années, répondit Nasma en le considérant d’un air perplexe.
- Ca se passe sous nos pieds et on ne s’aperçoit de rien ?
- Il suffit d’ouvrir les yeux. Tout bouge. Tout change.
- Je n’ai rien vu.

En réalité, pendant toutes ces années, il avait été complètement coupé du monde et de ce qui s’y passait.
- Pourquoi tirez-vous cette luge ? répéta Nasma.
- La librairie est fermée. Je les emporte chez moi.
- Vous les avez tous lus ? Alors, à quoi vont-ils vous servir ? Vous devriez les donner.
- Tenez, je vous propose celui-ci ! s’écria Simon en lui tendant un livre d’un geste brusque. Bon appétit, monsieur lapin ! Vous ne l’avez pas lu ? C’est l’histoire d’un pêcheur et d’un poisson d’or. Il nous explique qu’il ne faut pas trop demander à la vie ! Vivre avec ce qu’on a et réaliser ce qu’on peut…
- Mais quand on donne, il faut le faire de bon cœur… Je ne voudrais pas vous priver.
- C’est avec plaisir, il balbutia. Et j’en ai beaucoup d’autres.
Elle le remercia d’un sourire. Le même que celui de Nasma. Rien de plus naturel, n’est-ce-pas ?  Simon se détourna. 

C’était bien la première fois qu’il offrait un livre. Il n’avait jamais fait le moindre cadeau à qui que ce soit. Il n’avait rien fait d’autre que débiter quelques formules de politesse et rendre la monnaie à ses clients. Et voilà qu’au cent trente septième aller-retour de la bouquinerie à son appartement, il n’arrêtait plus de papoter avec cette jeune femme et sa petite fille… Incroyable !  Qu’est-ce qui s’était passé ? Il y avait là de quoi lui occuper l’esprit pour les jours à venir. En réalité, ce qui le préoccupait, c’était la question de savoir pourquoi elle avait pris la peine de le remarquer et de s’arrêter devant lui et pourquoi il avait lui-même fait l’effort de bavarder avec une personne qui lui était inconnue. Etait-ce le sourire éclatant de la petite fille ? L’idée lui tournait sans fin dans la tête. Pourquoi elles ? Il était tellement bouleversé par le spectacle de ses étagères dépeuplées qu’il avait éprouvé le besoin irrésistible de communiquer son désarroi à quelqu’un d’autre et c’était tombé sur Nasma et Fuchsia. Etant d’une nature exceptionnellement taciturne, il lui avait été difficile d’échanger ces quelques phrases et il avait été le premier surpris, non seulement d’avoir réussi à décharger son cœur, mais de l’avoir fait avec tant de célérité. Il réalisa soudain qu’il connaissait leurs noms. Pourtant, il ne se souvenait pas les avoir entendus. Il y avait décidément quelque chose de bien mystérieux dans cette rencontre. Il les regarda s’éloigner. La petite avait pris le livre sous son bras et se retournait vers lui en souriant.


Au retour, lorsqu’il s’engagea dans la rue Félix Pyat avec sa luge pour rejoindre le boulevard National, il prit conscience que son humeur avait complètement changée. Encore imprégné de solitude, il avait l’impression que son esprit s’était élargi et laissait déferler un flot d’images et de sentiments étranges, comme dans un déversoir. C’était tout ce qu’il avait emmagasiné pendant sa triste existence qui lui revenait, mais d’une manière plus colorée. Mille détails embellissaient soudain ses souvenirs. C’était une sensation vraiment très agréable. Il en resta si déconcerté qu’il rechargea sa luge, sans même se rendre compte qu’il ne choisissait que des livres pour enfants.

En arrivant chez lui, Simon était dans un état second. Le sourire de Fuchsia et de sa maman ne le quittait pas et balayait la grisaille de toutes ces années. Il se sentait soulevé par un espoir démesuré, comme une vague qui l’emportait vers un nouveau rivage. C’était enivrant. En apparence rien n’avait changé et il était toujours dans son appartement de la cité Bellevue, mais la monotonie des choses s’était dissipée et tout lui paraissait nouveau. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas éprouvé un tel bien être ni une telle espérance. C’était même du temps de sa jeunesse. Il y avait de cela presque un demi-siècle. C’était si loin ! A force de fixer son attention sur son passé, il devina vaguement les contours d’un visage, puis il fut stupéfait de reconnaître la physionomie de Valérie, l’unique amour de son adolescence. Il avait enfoui en lui si profondément cette image qu’il l’avait oubliée. Voilà que la présence magique de Nasma et de Fuchsia la faisait réapparaître. Par quel miracle ? Tout à coup, une idée l’effleura : bon sang, il n’était pas en train de tomber amoureux de cette jeune femme croisée dans la rue ? Cette pensée lui sembla ridicule. A son âge ! Il se voyait comme Harpagon devant la belle Marianne. Non, il n’éprouvait pas ce genre de désir et c’était d’abord le sourire de la petite qui l’avait subjugué. C’était donc un plaisir et un bonheur purement cérébral. 


En rangeant ses livres, le regard de Simon se posa sur une vieille figurine désarticulée et recouverte d’un grand chapeau. Ce petit personnage avait été le compagnon de jeu de son enfance. Un jour, il l’avait assis sur le bord d’une étagère et il l’avait abandonné.Il l’époussetait machinalement, mais il ne le voyait plus. Et c’était sans doute Fuchsia qui le ramenait ce soir-là à son enfance et c’était encore elle et sa maman qui redonnaient du sens à tout ce qu’il avait vécu. Tout cela n’avait pas existé en vain. Il avait conscience que cette rencontre était pour lui comme un cadeau.
Cette nuit-là, Simon mit de l’ordre dans son appartement et aménagea un espace lecture pour les enfants. Il ne doutait pas que les souterrains qu’il avait agencés seraient pour eux comme un formidable terrain de jeu et d’aventure. Il les consolida et ajouta quelques recoins et quelques cachettes pour rendre leurs périples dans son labyrinthe plus attrayants.

Il réalisait soudain que c’est dans son appartement qu’il était seul. Seul et loin de tout. Pas au dehors ne dans sa boutique. Dans la rue, il y a les gens, des chats et des chiens, des pigeons et des rats, et des goélands viennent parfois jusqu’à la cité. Dans sa librairie, il y avait les livres, tout un petit peuple qui allait et venait. Certains personnages devenaient familiers, presque des amis. D’autres n’étaient que des vagues connaissances, voire des étrangers. Il n’avait jamais vraiment quitté ses livres. A la dernière page, la solitude de la lecture s’émiette. C’est pénible de finir un livre et on cherche tout de suite quoi lire encore. C’est toujours une séparation. Un autre personnage vous attend et parfois on a envie de retrouver celui qu’on n’a plus croisé depuis longtemps. Ca fait plaisir. Et on sait qu’on va se revoir, même si on se perd de vue. Lire, c’était la seule chose qui avait peuplé la vie de Simon et qui l’enchantait. Et malgré la fermeture de sa boutique, il savait que c’était aussi ce qu’il avait envie de partager. Avec Nasma, avec Fuchsia et avec tous les autres. Il n’allait quand même pas garder ses livres pour lui. Il avait la boutique pour se cacher pour lire. A présent, il n’avait plus que son appartement au-dessus du commissariat. Il allait devenir la maison des livres, la maison des autres, la maison de tous ceux qui voudraient vagabonder ou s’arrêter à l’intérieur d’un livre. Finalement, son expulsion était une chance.

Les jours suivants, Simon améliora ses rangements et classa ses livres par thèmes, auteurs et œuvres. Il annexa le palier, puis les escaliers. Ses voisins eurent d’abord un mouvement de méfiance, mais sa bonne humeur était contagieuse et ils acceptèrent d’accueillir chez eux quelques étagères. Simon ne se faisait pas d’illusion, ils n’allaient pas ouvrir les livres tout de suite, mais ils étaient dans la place et la curiosité finirait bien par l’emporter. Il faut un commencement à tout. Mais attention, il y a des livres illisibles, des livres qu’on abandonne, dont on oublie même les titres. Ce n’est pas grave. Parfois, il faut attendre avant d’ouvrir un livre. Ou bien c’est trop tard. Ou simplement, ce n’est pas le moment. En observant ses clients, Simon devinait quelle œuvre, quel auteur ou quel personnage leur convenait. Il savait qu’il ne s’était pas trompé en proposant à Nasma et Fuchsia « L’élégance du hérisson » et « Bon appétit, Monsieur lapin ! ». Pour elles, c’était le bon moment.

Pendant ces journées passées à mettre de l’ordre dans son appartement, il n’avait jamais cessé de guetter la jeune femme et sa petite fille. Il aurait bondi dehors à leur rencontre, mais c’était toujours trop tard. Une fois, il les aperçut au loin qui traversaient la rue. Nasma poussait un landau. Fuchsia avait donc un petit frère ou une petite sœur ? Un petit frère. Curieusement, Simon connaissait même son prénom : Angelo. Il  avait dix-huit mois. Pourquoi ce prénom ? Son papa était peut être italien ? Il était effectivement italien. Simon ignorait pourquoi et comment, mais il le savait. Il connaissait d’ailleurs pas mal de détails sur cette petite famille. Le père avait laissé Nasma avec ses deux enfants et il était parti chercher du travail. Il n’avait pas donné de nouvelles depuis plusieurs mois et les journées de Nasma étaient rythmées par les allers-retours de l’école et par les tétées d’Angelo. C’était une jeune femme courageuse. C’était peut être ce qui avait attiré l’attention de Simon. L’émotion qu’il avait senti grandir en lui avait fait le reste. Nasma, Fuchsia et Angelo envahirent bientôt toutes ses pensées. C’est grâce à eux et pour eux qu’il avait transformé son appartement en lieu de vie. Il imaginait à présent un espace d’échange et d’apprentissage, un service de prêt à un tarif dérisoire et une rotation suffisante pour assurer le salaire de Nasma


Une chose étrange se produisit dans la population. Tous les habitants ne lisaient pas, mais tous avaient été impressionnés par l’attitude édifiante de Simon et tous guettaient avec impatience ce qui pourrait advenir. Certains doutaient encore de cette surprenante générosité et ils s’imaginaient qu’elle dissimulait une roublardise quelconque qui finirait bien par éclater au grand jour. Ils n’osaient pas grimper les escaliers ni franchir la porte de l’appartement, mais ils défilaient sans cesse devant ses fenêtres. Ils étaient obligés d’admettre que tous les visiteurs affichaient des sourires rayonnants et qu’ils étaient chaque jour de plus en plus nombreux, débordant dans les étages supérieurs et jusque dans la rue. L’immeuble semblait distiller de la joie et devenait le centre de la cité. Le commissaire lui-même s’en inquiéta. Que signifiaient ce manège des résidents et ces attroupements ? C’était probablement le signe d’une nouvelle forme de trafic… Il vint en voisin contrôler la légitimité de l’entreprise. Il fut presque déçu. Il n’y avait rien de répréhensible et il ne comprenait pas ce qui pouvait expliquer un tel changement chez les habitants. Il y a évidemment quelqu’un derrière cette histoire. Ou quelque chose de surnaturel. C’était Simon, tout le monde le savait et le désignait. Il est arrivé simplement au bon moment comme un ange descendu du ciel. Le libraire protestait. Il n’a rien fait de si extraordinaire, il a juste croisé le sourire de Fuchsia. Tout le reste s’est fait naturellement. S’il existait un ange, c’est Fuchsia. Dans cette ambiance de bonne humeur le regard se fait plus indulgent et quelque chose poussait les gens les uns vers les autres : une envie inédite d’être ensemble et de mettre en commun leurs compétences et leurs expériences sans l’intervention de l’argent. Un groupe de femmes investit un terrain vague pour le transformer en potager ouvert à tous, un jardin partagé pour permettre aux familles de se rencontrer. 


D’autres deviennent coiffeuses à domicile, aides ménagères, cuisinières. Les hommes s’offrent comme plombiers, maçons, mécaniciens ou jardiniers. Le principe est celui du troc, de l’échange de service et du don de soi. Des fêtes s’improvisaient en soirée devant les immeubles. Les locataires descendaient des tables et des chaises, leurs instruments de musique, et chacun apportait ses spécialités culinaires. A Saint-Mauront, un autre état d’esprit était en train de naître. On aurait dit que la paix était revenue entre les communautés et que le repli sur soi appartenait définitivement au passé. Un sourire écarlate, tout est là, pensait Simon. C’est le principe essentiel d’où rayonnent les belles idées. Il suffit d’une étincelle. Des étincelles, c’est d’ailleurs ce qu’aperçoit Simon par-dessus les toits. Ou des éclairs. Ou des flammes. Elles se mettent à danser. Est-ce le soleil qui éclabousse de sang les façades des immeubles ? Soudain, il ne troue que par intermittence le labyrinthe des nuages qui flottent au vent comme du linge mouillé. Quand Simon lisait, chaque fois qu’il arrivait en bas de la page de droite, ses yeux faisaient tendrement le tour de ses lecteurs. Il était comme une sentinelle qui montait la garde pour leur sécurité. Et justement, des banderoles de fumées l’intriguaient. Il avait aussi l’impression qu’il y avait une certaine agitation et, qu’au loin, des silhouettes faisaient de grands gestes comme pour attirer son attention. Il se mit à scruter tout autour de lui pour essayer de localiser la source de ces volutes de plus en plus épaisses. Il sentit des picotements dans la gorge et fronça les narines pour humer l’air. Une lueur d’inquiétude passa sur le beau visage de Nasma. La petite bouche de Fuchsia était grande ouverte. La fumée piquante faisait larmoyer ses yeux, mais elle restait immobile, comme tous les autres lecteurs.

Simon se mordit la lèvre inférieure comme s’il méditait sur un problème abstrait. Il devait se contrôler s’il voulait essayer d’organiser les choses. L’espace fut brusquement éclairé par une langue de feu qui jaillit au milieu des livres, se retirant presque aussitôt pour ressurgir ailleurs en léchant les reliures. Des flammes s’élancèrent en spirales, balançant à droite et à gauche leurs têtes écarlates. Des myriades de tentacules grésillantes s’enroulèrent autour des rayonnages tandis que les titres des volumes brillaient d’une gloire éphémère. Nasma serrait Fuchsia dans ses bras, fascinée par les livres qui dansaient dans la lumière rouge. Elles essayaient de s’empêcher de crier, mais la terreur fut la plus forte.

C’est en entendant leurs cris que Simon s’est réveillé. Il était assis dans sa librairie aux bibliothèques presque vides. Il s’était juste endormi en faisant le tri de ses livres. Il était désolé que son rêve se soit brusquement dissipé sous la forme d’un cauchemar. C’est ainsi qu’il se terminait presque chaque soir, mais pour une fois il entendait gratter sur le montant de sa vitrine. Il se lève, tire les verrous et ouvre la porte. Une jeune femme tenait une petite fille par la main. Elles affichaient toutes les deux un joli sourire écarlate.
J’ai vu de la lumière, dit Nasma en guise d’excuse. Je voudrais un livre pour ma fille ; Elle s’appelle Fuchsia et elle va avoir quatre ans.

FIN...
Un conte inspiré à Dominique Cier par les discussions et les sorties avec les mamans et leurs enfants de la MPT Panier - Joliette, Dominique Leca (référente familles) et Anna Pauchet (artiste associée aux projets menés par le groupe famille de cette Maison Pour Tous notamment). 



BALADE REPÉRAGE À SAINT-MAURONT LE 31 MARS 2015

Au cours de ce cheminement nous avons pris le temps de repérer le théâtre des événements et de l'histoire dont nous sommes les auteurs, les petits comme les grands ! Une manière d'allier les sens à l'imaginaire et de poursuivre cette aventure...

Départ de cette balade à la sortie du métro National...

D'AVRIL A JUILLET 2015 : PLUSIEURS ATELIERS POUR IMAGINER UNE BALADE PATRIMONIALE ET COLLABORATIVE SUR SAINT-MAURONT

En italique avec le concours de plusieurs membres de la Coordination Patrimoines et Créations des 2-3e a imaginé au fil de l'année une balade sur et dans le quartier de Saint Mauront... Cette balade qui mêle l'histoire à la fiction, sera programmée lors des prochaines journées européennes du patrimoine 2015 les 19 et 20 septembre !
 
Il est possible de participer à cette écriture, aux prises de vues photographique, à la mise en page du journal de la balade qui sera diffusé en septembre comme à son animation lors des JEP 2015... 

Programme des 3 ateliers pour l'animation de cette balade patrimoniale sur Saint-Mauront :
- Mardi 7 avril,
- Jeudi 14 mai, 
- Lundi 6 juillet,
Au programme, la balade à animer lors des Journées européennes du patrimoine 2015 et la réalisation d’un journal qui sera produit dans le cadre de Quartiers Libres 2015 que nous diffuserons en septembre. 
INFORMATIONS ET INSCRIPTION : contact@enitalique.fr TEL. 06 25 31 14 94 

Le programme du 7 avril, rdv à 10h à la sortie du Métro, Station National : 
- un repérage in-situ à Saint - Mauront, une discussion autour des stations que nous avons pressenties et des prises de vues, venez avec votre appareil photo ou votre smart phone... 

Le programme du 14 mai RDV à 14h devant la Mairie du 2e secteur (face à la cathédrale de la Major) : 
- dans l'esprit d'un comité de rédaction, nous dédierons cette séance à l’écriture des textes (légendes des clichés, récits, descriptions, poésies, entretiens, dialogues, nouvelles...) textes que nous associerons aux photographies. A côté de l'angle choisi nous échangerons sur nos besoins, iconographiques, historiques, etc. dans la presse, les magazines... Dans cette optique d'ailleurs je vous proposerai de nous retrouver à la Bibliothèque départementale dans la salle d'actualité.
Lieu en cours de définition...

Le programme du 6 juillet à 14h :
- en fonction des besoins nous nous répartirons le travail qui reste à faire: prises de vues photo, écriture de texte et la mise en page du journal de la balade.
Rdv dans la salle d'actualité (mezzanine) de la Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône.
Aucun problème si vous ne suivez pas ces trois rdv, merci cependant de me confirmer votre intérêt, ce qui facilitera l'organisation.

PHOTOGRAPHIES DU TRAJET IMAGINÉ PAR LE GROUPE COMPOSÉ POUR LA BALADE PROPOSÉE A TOUS PUBLICS LORS DES JOURNÉES EUROPÉENNES DU PATRIMOINE 2015 - PHOTOGRAPHIES DE DRISS AROUSSI SÉLECTION COMPLÉTÉE DES CLICHÉS DE FRANCIS ET LILIANNE MEMBRES DE LA COORDINATION PATRIMOINES ET CRÉATIONS DU 2e ET DU 3e ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE

























Pendant l'année 2015, plusieurs séances pour inventer une balade et un journal diponible dés le début du mois de septembre 2015 à la Mairie du 2e secteur (2, place de la Major, 13002) et à la Maison Pour Tous Panier - Joliette (66 rue de l'Evêché, 13002).
  

Le 7 avril nous avons repéré à Saint-Mauront les stations et imaginé un trajet précis, discussions autour des stations pressenties et prises de vues photo.  

Le 14 mai, dans l'esprit d'un comité de rédaction, nous avons dédié cette séance à l'écriture des textes que nous associerons aux images prises : légendes, récits, nouvelles, témoignages ou entretiens, descriptions, journal de bord... A côté de l'angle choisi nous avons échangé sur nos besoins, historiques, iconographiques, sur les personnalités du quartier à rencontrer... 

Le 6 juillet sur la mezzanine de la Salle d'Actualité de la Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône nous avons finalisé le trajet, la mise en page du journal, ainsi que les diverses rencontres qui rythmeront la balade.

Depuis le mois de novembre 2014 jusqu'au mois de juillet 2015, un atelier a été mené avec un groupe de jeunes mamans et leurs enfants de la Maison Pour Tous Panier-Joliette pour imaginer un conte qui se déroule à Saint - Mauront dont l'inspiration a été rythmée par nos rdv puis sa diffusion sur ce blog...

MÉMOIRES EN DEVENIR - Rencontres Méditerranéennes les 2, 3, 4 juillet 2015
En italique, Driss Aroussi, Dominique Cier étaient associés à la fin de l'action recherche initiée (il y a 18 mois) par Transverscité sur et avec la Coordination Patrimoines et Créations des 2-3e, lors des 2, 3 et 4 juillet 2015, suivez ce lien pour plus d'informations.  

La notion de patrimoine, à sa simple évocation, semble inscrire ce qu’elle qualifie dans une sorte de constance et de permanence transhistorique et culturelle. Pourtant, ce sentiment d’immuabilité des faits, des savoirs et des objets qu’inspire le patrimoine, résiste assez mal à l’ensemble des processus de patrimonialisation dont sa construction procède aujourd’hui. Ces journées seront l’occasion de découvrir et d’interroger des expérimentations patrimoniales actuellement en cours dans l’espace méditerranéen, monde fragmenté, véritable chaos des mémoires et des histoires, que ces initiatives, processus de patrimonialisation transversaux et hétérogènes, signalent malgré tout comme le territoire et l’écologie d’un devenir patrimonial commun. Elles donneront un aperçu des manières et des modes concrets selon lesquels se construit aujourd’hui le patrimoine dans l’espace méditerranéen.
 Gilles Suzanne




Pendant les mois de novembre et décembre 2015, En italique a animé plusieurs ateliers sur la BD Reportage, dans la salle d'actualité de la Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône avec la participation de groupes de stagiaires du CIERES.  

Plusieurs séances sur la BD Reportage pour découvrir ce genre hybride entre la photographie, le dessin et la BD, apprendre à manipuler ses outils, être accompagné dans l'élaboration d'une planche dessinée pour partager son point de vue sur le quartier de Saint-Mauront, sur ses passions, sur sa famille, etc.

Thème n°1 = La BD Reportage une autre manière de s'exprimer.


Alain Keller, "Des nouvelles d'Alain" illustre parfaitement l'objet de cette séance où il s'agira d'apprendre à s'exprimer d'une autre manière, venez découvrir et experimenter plusieurs qualités d'un genre nouveau, à la croisée de l'écriture, du dessin et de la photographie !
  
Thème n°2 = La BD Reportage et les déplacements.


Découvrons les multiples déplacements que la BD Reportage exploite, à l'image de Jospeph Cornell (comme l'image postée le montre avec "Tilly Locsh" en 1935) dont les boites contiennent des objets trouvés qui expriment le voyage et qui balancent entre le surréalisme et un dépaysement poétique. Mais le déplacement c'est aussi une histoire d'émotions et de sensations et c'est parfois tout simplement une rencontre avec l'autre comme une rencontre inattendue (à l'image du cliché de "Tropique" d'Etienne Rey) ou l'ailleurs qui "se laisse" imaginer en songe...

Thème n°3 = La BD Reportage et l'aventure du quotidien.


Penchons nous sur ce qui nous occupe au quotidien au sens propre pour se mettre en situation et en scène, avec des gestes simples (croiser un inconnu dans la rue comme Duane Michals avec "Chance Meeting" en 1972), des moments banals (lutter en vain contre un souffle comme Jeff Wall avec "Coup de vent soudain" en 1993) qui sont riches de sens et ne demandent qu'à être partagés...

Cet atelier intergénérationnel souligne le caractère hybride de la BD-Reportage à la frontière de plusieurs genres et de domaines artistiques ainsi que son potentiel expressif et son caractère contemporain via les "nouvelles" liaisons entre les textes (entretiens, informations diverses sur une question de société par exemple, témoignages, journal de voyage, journal de bord, journal intime, etc.) et les images qu’il mêle (photos, dessins, schémas, logos, etc). 
 
Ces ateliers se sont déroulé au sein de la Salle d'Actualité de la Bibliothèque départementale, partenaire de Quartiers Libres 2015. 



Regardez Quartiers Libres 2016 pour découvrir les créations des participants de cet atelier sur la BD-Reportage...


WE "Machines" à la Friche novembre 2015

 
La Fondation Logirem engage une collaboration avec le plasticien Etienne Rey dans le cadre de son programme immobilier, le "Carré Saint Lazare", inspiré par la thématique Lumière la création d'Etienne Rey intégrera le bâtiment...

En italique animera le 21 novembre 2015 une visite de l’œuvre "Space Odyssey" d'Etienne Rey, puis une balade nommée "Lumières" à partir de 17h, départ à l'accueil 2  :
1- Rue / Niveau 2 (ex-rue Antonin Artaud).
2- Autour du Playground de la Friche.
3- A l'entrée de la Friche, rue Jobin, autour de l'abribus.
4- Devant le Centre de Conservation et de Ressources du MuCEM (angle rue jobin et Clovis Hugues).

Cette balade est placée sous le signe de la photographie et du jeu, les participants dessineront (avec la lumière, Light drawing) plusieurs objets ou situations historiques représentatives de différentes époques de la Friche comme du quartier de la Belle de Mai...
 
L'association En italique vous invite à participer à une balade sur la Friche et son environnement proche. Nous parlerons de son histoire depuis sa création, de ses acteurs aujourd'hui et hier comme des habitants de la Belle de Mai lors du développement du quartier. Imaginée sous le prisme de la lumière au pluriel cette balade sera participative et inaugure un programme de situations culturelles qui sont seront ouvertes à toutes et à tous au cours de l’année à venir avec Quartiers Libres 2016 !

Au seuil de Space Odyssey...

Une œuvre immersive aux qualités sensorielles


Atelier de Light Drawing pendant la Balade Lumières